Ce rapport est une synthèse des mesures en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux (LBC) et le financement du terrorisme (FT) en vigueur au Luxembourg au moment de la visite sur place (4-15 mai 2009) et immédiatement après. Il décrit et analyse ces mesures et indique par des recommandations comment renforcer certains aspects du système. Il établit également le niveau de conformité du Luxembourg avec les 40+9 Recommandations du GAFI.
Principales conclusions
- Le Luxembourg est une place financière majeure en Europe et dans le monde ; il est classé au deuxième rang mondial pour les activités de fonds d’investissement et constitue la plus importante place de la zone euro en matière de gestion de fortune. Les services financiers, très présents dans le pays, représentent une part importante du produit intérieur brut, de l’ordre de 25%.
- L’infraction de blanchiment de capitaux est en grande conformité formelle par rapport aux normes internationales. Cependant, les personnes morales ne peuvent être condamnées pénalement. En outre, la mise en œuvre de l’incrimination est très insuffisante de sorte que depuis 2003, des sanctions, dont le niveau est globalement faible, n’ont été prononcées que dans 8 cas. L’infraction de financement du terrorisme en revanche ne permet pas de couvrir tous les comportements visés par les normes internationales et n’appréhende pas le financement des groupes et individus terroristes en dehors de la commission d’actes terroristes. Enfin, la notion de groupe terroriste n’est pas applicable à l’association de deux personnes.
- Le dispositif mis en place pour la confiscation est relativement satisfaisant, malgré des limitations qui en réduisent le champ, en particulier en ce qui concerne la confiscation des biens détenus par des tiers. Les mesures provisoires pouvant être mises en œuvre dans ce cadre sont insuffisantes et les cas de confiscation sont rares en matière de blanchiment et portent sur des biens très accessoires. S’agissant des avoirs terroristes, le gel est mis en œuvre par la Cellule de renseignements financiers (ci-après CRF), mais cette mesure, limitée à trois mois, est conditionnée par une déclaration d’opération suspecte préalable, ce qui n’assure pas un gel sans délai, et porte, par conséquent sur les seuls actifs financiers. De manière générale, la procédure de gel des avoirs terroristes est confuse et insuffisante par rapport aux normes internationales.
- La cellule de renseignements financiers, créée en 2004, est placée au sein du parquet de Luxembourg et était composée au moment de la visite de sur place de 6 personnes en charge des tâches opérationnelles, ce qui est insuffisant par rapport au nombre de déclarations d’opérations suspectes (ci-après DOS) en constante progression. La CRF n’est pas tenue par un principe de spécialité, mais est compétente pour toutes les infractions ressortant des DOS. Parmi les dossiers qu’elle « dissémine », peu libellent l’infraction de blanchiment de capitaux. Les autorités de poursuite concentrent également leurs efforts sur l’infraction sous-jacente ; le nombre d’enquêtes et d’instructions en matière de blanchiment est faible (au moment de la visite sur place, aucune enquête n’avait été diligentée en matière de financement du terrorisme).
- Le dispositif préventif de LBC/FT du Luxembourg est basé sur les instruments communautaires. Il s’applique à la grande majorité des institutions financières qui doivent être couvertes au sens du GAFI, aux entreprises et professions non financières désignées, et a été étendu à d’autres professions. Il met en place une approche basée sur le risque. Toutefois, le Luxembourg n’a pas réalisé d’évaluation préalable des risques de BC/FT auxquels ses institutions financières et ses entreprises et professions non-financières doivent faire face et l’approche adoptée autorise, dans de nombreuses situations, une exemption de toute mesure de vigilance.
- Les autorités de surveillance du secteur financier effectuent peu de contrôles sur place en matière de LCB/FT, et ces contrôles ne portent que sur la tenue des comptes, à l’exclusion de politiques et procédures mises en œuvre par les institutions en matière de LCB/FT. De plus, certaines catégories d’institutions n’avaient fait au moment de la visite sur place l’objet d’aucun contrôle. Aucune sanction, dont le régime n’est d’ailleurs pas satisfaisant, n’a été prononcée en matière de LBC/FT. Parmi les entreprises et professions non financières, seules les professions juridiques et comptables sont organisées et surveillées, mais aucune sanction ne leur a jamais été appliquée en la matière.
- Le Luxembourg dispose d’un système d’enregistrement des personnes morales, y compris les organismes à but non lucratif. Il est facilement accessible, notamment en ligne, et gratuit. Cependant, il ne permet pas de connaître les bénéficiaires effectifs. Certaines sociétés peuvent émettre des actions au porteur ; le Luxembourg n’a pas pris de mesure visant à en empêcher l’utilisation illicite.
- Les pouvoirs des autorités en matière de coopération internationale sont les mêmes que ceux dont elles disposent dans les affaires nationales. Toutefois, dans la majorité des cas, la double punissabilité des faits est requise, ce qui limite la capacité de coopérer en raison des lacunes identifiées dans les incriminations de blanchiment et de financement du terrorisme.